Une vie au Viet Nam(1934-1979)-Tome1

 

 

                         5- Âge Ingrat Et Bêtises  *

 

   Lạc Quần, un après-midi agréable d’été, des nuages floconneux légèrement emportés par la brise, mes parents étaient absents. Pour ne pas nous  ennuyer ma sœur et moi  allions nous amuser chez Monsieur et Madame phán Úc.

   Ayant eu une éducation française et obtenu un certificat d’interprète Monsieur Úc menait une vie ‘à la française’. En parlant il avait le tic nerveux de souffler à travers une commissure en gonflant sa joue. Sa femme, originaire de Dương A, et issue d’une famille de mandarin, était toujours chic dans une tenue impeccable, une robe longue et un pantalon en satin. Elle avait des dents noires laquées comme des perles, des cheveux tressés dans une étoffe de velours. Il travaillait dans une entreprise. Le soir en rentrant à pieds, ils passaient souvent devant notre maison la main dans la main. De temps en temps ils venaient voir mes parents. Une tasse de thé, un morceau de chique de bétel étaient une façon de commencer leurs conversations. Au fur et à mesure un lien invisible les enlaçait. Parfois, Madame Úc restait plus longtemps, elle dînait avec nous et dormait avec ma mère. Elles se partageaient le lit de ma mère et chuchotaient jusqu’à minuit. Je m’étais allongé entre elles. En écoutant leurs conversations, bercé, j’entrai  progressivement dans le sommeil. Au matin en ouvrant les yeux je me retrouvai couché entre les bras d’une femme qui n’était pas ma mère, je sursautai en me levant, très embarrassé par ses doux regards.

   La maison de Monsieur et Madame Úc se trouvait au bord du fleuve Ninh Cơ, entre Lạc Quần et Nghĩa Xá, à côté d’un arroyo qui irriguait les rizières du village. Le terrain autour de la maison, vaste et non peuplé, n’avait aucune clôture mais était envahi par des herbes sauvages et des buissons épineux. Pendant les nuits sans lune il faisait bien noir, pour aller de la maison à la cuisine il fallait traverser une cour assez large, cela donnait froid dans le dos. Quand il pleuvait, la vieille domestique devait apporter avec elle une lanterne, pour ne pas butter contre des mottes de terre ou pour éviter des flaques d’eau. L’éclairage projetait les ombres chinoises qui, agitées par le vent sur les murs, suscitaient beaucoup d’imagination.

   A cette époque, Monsieur et Madame Úc avaient quatre enfants. La sœur aînée, Cao faisait ses études en villes. Les trois autres étaient de mon âge. Tạ qui était le fils unique, plus âgé que moi d’un an, était espiègle. An, sa grande sœur, avait douze ans et était très douce et très sensible. Hà , la dernière, avait l’air sérieux et mesurée comme un adulte.

   Cet après-midi ma sœur Thôn et moi nous nous baladions la main dans la main le long de la digue pleine de chiendent. Les aiguilles traversaient nos pantalons, y restaient accrochées et nous donnaient envie de se gratter. De temps en temps nous devions nous arrêter pour les enlever avant de continuer notre balade. A mi-chemin on entendit le timbre d’une flûte venant du groupe de maisons flottantes sur le fleuve.  On aurait dit des pleurs provenant des vagues. C’était le chant des marchands de bois, leur vie était enchaînée aux radeaux.

   Nous avons traversé le petit pont enjambant l’arroyo en suivant le sentier parallèle et  au  bout  de  deux  cents  mètres  nous  étions  arrivés . La maison  de  Monsieur  et Madame Úc, à  la  charge de l’état, était  exposée  à  tous les vents, sans clôture ni portail. On pouvait y aborder par tous les côtés. Il me semble que cette maison avait changé plusieurs fois de propriétaire et le jardin n’était pas entretenu. Vue de loin on aurait dit une maison hantée. Nous nous sommes approchés de la façade sans trouver personne. Subitement nous avons entendu des coups de pieds dans la salle du milieu. Nous poussâmes la porte pour entrer. C’était un vrai chaos, les meubles déplacés, des matelas partout. An était assise accroupie au milieu du plancher, à moitié nue,                                                                                                                                      le visage pâle, les yeux hagards tout rouges, elle n’arrivait plus à nous reconnaître. Une grande corde l’attachait au pied d’un lit. Le lit était bien lourd. A chaque fois qu’elle bondissait le lit était déplacé par le cordage et la pauvre tombait en avant. Sa tête s’était cognée plusieurs fois contre des meubles mais il me semblait qu’elle ne sentait rien. Tạ était à ses côtés, son visage trempé de sueur. Il était en train de frapper très fort sur le dos de An avec une poignée de pailles en l’appelant par son prénom, mais elle n’entendait rien. Ma sœur et moi nous étions pétrifiés en regardant la scène quand se précipita, en larmes, pour tout nous raconter.

   Monsieur et Madame Úc étaient absents. Les trois frère et sœurs en avaient profité pour organiser un jeu d’ « entrée en transe de la grenouille ». Depuis ce matin An se tenait accroupie sur le plancher, les yeux fermés et les mains contre le front tenant trois baguettes d’encens allumées. Tạ et tenaient chacun une boîte de lait concentré, déjà vide, utilisée pour l’occasion comme un petit tambour. Ils tapaient aux rythmes de leurs pas en marchant autour de An et en chantant sans cesse un monotone refrain:

 

                         « Âme de grenouille réveille-toi

                         De tous les côtés réveille-toi vite

                         Fonce donc pour entrer même  si les portes sont fermées

                         Même si des fleuves ou des étangs te font obstacles… »

 

   Le rythme des tambours se mêlant aux chants monotones, An commença à se dandiner en balançant la tête en mouvement circulaire. Les deux autres pensaient que celle-ci entrait seulement dans leur jeu pour s’amuser. Au bout d’un certain temps, An avait sauté sur la table, sur le lit…Personne ne s’inquiéta pour elle, jusqu’au moment où An avait sauté à travers la fenêtre et ainsi de suite, dans les buissons épineux, les vêtements déchirés en lambeaux, la peau égratignée et saignante…Les deux autres avaient eu peur et étaient verts comme une feuille. La maison était au bord du fleuve! Ils cherchèrent à la rattraper et s’efforcèrent de la ramener dans la maison. An était subitement forte comme Hercule. Les deux autres ont dû appeler la vieille domestique au secours. Il fallut trois personnes pour lutter contre une seule. Finalement elles arrivèrent à la ligoter au pied du lit. C’était tout ce qu’ils avaient pu faire. Mais depuis ce matin et jusqu’à maintenant, on n’était pas arrivé à lui faire retrouver ses esprits. Tạ et étaient très fatigués car ils n’avaient rien dans le ventre depuis ce matin. An était dans un état lamentable, comme une bête sauvage dont les yeux hagards étaient ailleurs. La vieille domestique se sentait partiellement  responsable. Elle s’inquiétait en suppliant ma sœur de faire quelque chose.

   Thôn a dit à de l’amener jusqu’à l’endroit où An était entrée en transe ce matin. Elle demanda à Tạ d’uriner dans un bol. Elle prit le bol plein d’urine et le versa à moitié à cet endroit, et elle la versa l’autre moitié sur la tête de An. Au bout d’un instant  An  se  laissa  tomber,  assise  sur le plancher, à côté du lit, la tête reposant sur le bord, les yeux fermés, l’air épuisé, tout son corps trempé de sueur. Ma sœur la secoua en  l’appelant  par  son prénom. An  rouvrit péniblement ses yeux. Quand elle reconnut l’interlocutrice, elle fit un léger signe de tête tout en regardant autour, l’air pudique. Ma sœur comprit immédiatement, elle prit en hâte une couverture pour la recouvrir et demanda qu’on la porte sur le lit.

   Le visage de An maintenant reprenait un aspect normal, la respiration légère. Elle se coucha sur le côté, la tête sur un oreiller, les yeux fermés dans la somnolence, ses cheveux mouillés de sueur étaient collés au front et aux tempes. En la regardant j’avais l’impression que An venait d’avoir un accès de fièvre et était en train d’en sortir. Je me retournais pour regarder ma sœur en me demandant comment et d’où elle avait appris ce remède si simple et si efficace. Ma sœur regardait Tạ de travers comme si elle voulait faire une remarque, car elle savait bien que tout ce malheur venait de son espièglerie. Tạ se sentant mal à l’aise essaya de faire la diversion. Tandis que était toute contente et  soulagée en pensant au retour de ses parents. Il se faisait tard dans l’après-midi, nous sommes entrés voir An encore une fois. Ma sœur fut rassurée en la voyant réclamer à boire et se plaindre d’avoir mal partout. Mais elle ne se souvenait de rien. Avant de quitter le lieu ma sœur recommanda à tout le monde de ne pas lui raconter quoi que ce soit de peur que cela puisse avoir une influence néfaste sur son âme si fragile.

   A cette époque la scène de possédée du démon n’avait eu aucune influence sur moi. Mais ultérieurement une autre scène identique survenue chez An me fit poser des questions. Y a-t-il une relation entre le monde invisible et les âmes sensibles et vulnérables? Pourquoi le démon est-t-il capable d’expulser si facilement une âme de son corps pour le posséder?

   A l’adolescence on oubliait et on pardonnait facilement. Tout événement s’effaçait comme une brise. Le temps passait vite. Les grandes vacances allaient prendre fin. C’était bientôt la rentrée. Cette année là, je devais quitter Lạc Quần pour aller à l’école de Xuân Truờng. Mon âme était comme une feuille de papier vierge prête à une nouvelle année scolaire, une nouvelle situation et surtout de nouveaux copains. Quelle chance! Les trois frère et sœurs allaient avec moi dans le même établissement. C’était une bonne occasion pour que nous soyons ensemble. Mes parents et ceux de An, Tạ, Hà étaient d’accord pour nous confier aux bons soins de ma sœur Thôn. A cinq, nous allions à Hành Thiện (Xuân Truờng) et nous nous étions ínstallés chez mon grand-père. Tous les jours il ne fallait que dix minutes à pieds pour aller à l’école.

   La maison de mon grand-père était au fond d’un hameau. A travers la clôture épaisse de bambous, sur le bord opposé de l’étang, on apercevait le champ très vaste du village Rũng Trí et ses rizières. Quelques chaumières apparaissaient dans le lointain. A gauche de la clôture, sur le bord de l’étang, il y avait une touffe de bambous morts de sécheresse. Leurs branches étaient brûlées. Il n’y restait que des moignons noircis formant ainsi un gros trou.

   Quelques années auparavant, durant l’après-midi, des nuages très bas, sombres et épais, avaient recouvert le ciel. Une averse torrentielle s’était abattue sur toute la région. Il faisait tout noir, le tonnerre gronda à nombreuses reprises. Tout d’un coup on entendit une déflagration et immédiatement après une grande flamme rouge vif éclaira la voûte céleste. Tout le monde sursauta, pétrifié, en tournant la tête vers cette lumière. La clôture de bambous, sur le bord gauche de l’étang, avait été ravagée par la foudre.

   Trois  jours  après,  une  odeur  fétide,  nauséabonde, enveloppa tout le hameau. Des rumeurs disaient que monsieur Nhiếp qui était parti labourer sa rizière depuis trois jours n’était pas encore rentré. Sa rizière était tout près, juste après la clôture de notre étang. Quand ses proches allèrent le chercher à la rizière ils le découvrirent mort, brûlé, la tête enfoncée dans la boue, le corps recouvert de sangsues, la peau et la chair putréfiées. La charrue avait disparu. Son buffle fut retrouvé près de la pagode. On se demanda comment la bête de somme avait été déplacée? Monsieur Nhiếp avait été foudroyé à cause de la charrue qu’il tenait pour labourer la terre. Sa famille l’avait enseveli et enterré sur place. Quand le paddy était encore jeune la surface des rizières était encore basse, de chez nous, on voyait nettement son tombeau à travers le gros trou de la clôture de l’étang, à peu près deux cents mètres.

   L’histoire du foudroyé avait été racontée plusieurs fois par ma cousine Trà, chaque fois elle y ajoutait un peu de mystère, comme le pouvoir surnaturel du défunt. Ainsi ses proches avaient dû organiser la garde du tombeau pendant cent jours après sa mort. On croyait que pendant ce temps si un cambrioleur avait pu exhumer le corps pour voler la tête et les mains du foudroyé, il pourrait les transformer en objets d’ensorcellement qui lui donneraient des jours bénéfiques où il pouvait gagner le gros lot. Vers minuit il n’avait qu’à consulter la tête momifiée et suivre le chemin dans la direction indiquée. Il pouvait secouer les deux mains du défunt au dessus du visage de ses victimes endormies pour les hypnotiser pendant très longtemps avant de se mettre en action.

   Il était tard durant un après-midi comme tant d’autres, nous avions étalé une grande natte au fond de la cour, près d’un noisetier d’arec et à côté d’une grande citerne d’eau de pluie. Nous nous rassemblions autour du dîner familial. Il n’y avait qu’une assiette de crevettes sautées et salées, des feuilles de moutarde acidulées en confit, des liserons d’eau cuits et des aubergines. Malgré ce repas sobre, tout le monde avait un bon appétit. Nous avons mangé en rigolant joyeusement. Au fur et à mesure l’histoire de Monsieur Nhiếp revenait dans notre conversation.

   Le dîner s’était terminé à la nuit tombante. On avait allumé des lampes à pétrole à l‘intérieur. Mais nous avons décidé de rester sur place réclamant à notre cousine Trà de nous raconter encore et encore cette hístoire. C’était vraiment un plaisir d’avoir peur et nous nous blottissions les uns contre les autres. Et surtout, le comportement de An à ce moment, nous incita à lui faire encore plus peur. Ainsi le nom du défunt avait été  inconsciemment invoqué plusieurs fois.

   Il faisait tout noir dehors, nous nous rassemblâmes autour d’une table, devant l’autel de mon grand-père, à la lumière d’une lampe à pétrole, pour faire nos devoirs scolaires. Une sauterelle voltigeait à travers la fenêtre et se posa sur le rideau rouge devant l’autel. Elle était énorme et très belle avec des ailes vertes et un tronc jaune qui brillaient sous la lumière. Notre cousine Trà sursauta en la voyant. Elle l’attrapa et la tua sur le coup en disant que c’était un mauvais présage car la sauterelle de nuit était souvent porteuse de mauvais esprits.

   A partir de ce moment nous restâmes sur le qui-vive en nous regardant en silence. Constatant la situation Trà nous proposa, moitié sérieuse, moitié plaisante:

 

---Si An dormait toute seule ici cette nuit, demain je lui donnerai ces boucles d’oreilles.

 

   Sitôt dit sitôt fait, elle enleva ses bijoux et les posa sur la table. Inconsciemment ma sœur se mit de la partie en clignant de l’œil. An hésita un moment au début puis nous fit un signe de tête qu’elle l’acceptait. Quand les deux paires de boucles d’oreilles furent posées sur la table nous sommes tous sortis en laissant An toute seule devant l‘autel et en fermant la porte à clé, les yeux aux aguets à travers les fentes.                                                                                                                                   

   An s’assit silencieusement l’air penseur. Au bout de cinq minutes elle pleura et se précipita pour frapper à la porte, nous suppliant de l’ouvrir. Mais nous étions méchants, personne ne bougea trouvant le jeu amusant. An s’arrêta un moment. Elle se retourna devant l’autel, l’air triste. Tout d’un coup elle se laissa tomber, allongée sur le dos, les quatre membres étendus.

   Elle resta allongée immobile pendant un long moment. Trà s’inquiéta. Elle ouvrait la porte en hâte pour la secouer. An se rassit lentement en jetant ses cheveux ébouriffés. Trà dit:

 

   --- Eh, An! Arrête! On ne s’amuse plus, il est tard. Il faut dormir.

 

   C’était trop tard! Les cheveux en désordre, An se déshabilla, nue comme un ver. Elle courut dans tous les sens pour nous attraper et nous faire peur. Je me retournais pour la regarder. Mon Dieu! Ces yeux hagards! Le froid dans le dos j’enlevais mes sabots pour courir plus vite. Elle me poursuivit jusqu’au portail, son pantalon dans la main. J’étais le dernier du groupe. Dans le noir je ne savais plus où je devais me mettre. Dans la déroute je me cachais derrière la porte battante. Elle s’arrêta juste devant moi, de l’autre côté de la planche, en agitant son pantalon en l’air et en riant bruyamment. J’entendis notre cousine Trà pousser la domestique à aller chercher bác cả Huynh (le frère aîné de mon père) qui était en train de jouer aux cartes chez un voisin.

   Au bout d’un moment on entendit les pas du patriarche. An retourna dans la maison et s’assit sur un coin du lit, l’air effrayé. Une affaire comme celle-ci n’était pas une surprise pour notre oncle. Rentré à la maison il jeta sur An un regard très sévère en lui tonnant une question qui me fit sursauter:

 

   --- D’où viens-tu? Comment oses-tu entrer ici?

 

   An commença à trembler de peur en montrant du doigt vers la direction de l’étang:

 

   --- Monsieur, ma maison est là-bas.

 

   Bác cả Huynh cria plus fort:

 

   --- Comment t’appelles-tu?

   --- Monsieur, je m’appelle Nhiếp!

 

   Le froid gagnait tout mon corps. Evidemment, c’était lui! Tout un après-midi de rigolade, ç’était trop!

 

   --- Pourquoi entres-tu ici? Qu’est-ce que tu veux?

   --- Monsieur, j’ai trop faim.

   --- Il n’y a rien pour toi ici! Sors! Immédiatement!

 

   Ensuite, il nous ordonna de couper une grande branche de mûrier dans le jardin. En attendant il alluma trois baguettes d’encens sur l’autel et se prosterna en murmurant une prière. Tenant fermement la branche de mûrier en la pointant directement sur le visage de An, il tonna:

 

   --- Sors d’ici immédiatement! Sors! Sors!

 

   A chaque mot était suivi d’un coup frappé sur l’ombre de An projetée au mur. J’étais sidéré en voyant An se tordre de douleur à chaque coup de fouet en pleurant et en suppliant notre oncle de lui pardonner. Le patriarche était exténué de colère. Il frappait sans arrêt jusqu’à ce que la branche fût fripée. An était tombée, gisant sur le lit, elle éclata en sanglots. J’avais assisté à la scène en pleurant et en me rappelant de la même scène à Lạc Quần. Pourquoi An et An seule était-elle choisie comme victime? Ma sœur Thôn la secoua et lui posa des questions, elle se réveilla en regardant  tout  le  monde  sans  rien  comprendre.  Quand  on  insista, elle  se  rappela                                                                                                                                      

vaguement, comme dans un rêve qu’il y avait une voix qui lui disait de se déshabiller…                                                                                                                                        

   Cette nuit d’été nous nous sommes enfouis tous sous une grande couverture, trempés de sueur jusqu’à l’aube. Nous étions épuisés.                  

 

  Le temps passait vite. Des événements sociaux, politiques… se précipitaient. Nous nous étions séparés, chacun son chemin. Rentré à Hanoi, j’avais retrouvé Tạ qui me dit que son père était mort tandis que An, gravement malade, était décédée d’une cardiopathie, sans soin ni médicament, pendant la guerre et pendant le temps des évacuations. Je sais bien que chacun a son destin, mais nous sentions tous, inconsciemment, à l’époque, responsables des malheurs imposés à notre amie.

 

                                                                         A la mémoire de An

  

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