Une Vie Au Viet Nam (1934-1979)-Tome 2
5- AMOUR ET DESTIN *
L’histoire commença en 1903 dans un village lointain au Nord-est de la France, en Alsace.
Henri Humbert venait d’une famille d’agriculteurs de classe moyenne. Il était blond aux yeux bleus, svelte avec un visage osseux et ovale. Il était le type d’homme qui faisait rêver les jeunes filles du village et certaines avaient beaucoup espéré. Dans cette campagne tranquille deux familles avaient depuis longtemps des relations intimes, Yvonne et Henri étaient donc considérés par les villageois comme déjà fiancés bien qu’Henri ne se soit pas encore officiellement déclaré. Yvonne ne demandait rien d’autre. Elle rêvait au jour où elle serait l’épouse de son bien aimé. Dans ses moments de rêveries elle imaginait déjà un jeune couple dans une petite maison, avec un jardin, entourée de porcs et de volailles…
Henri aimait beaucoup Yvonne. Il se disait souvent que ce n’était pas la peine d’aller chercher ailleurs, que rien ne rend plus heureux que d’avoir une jeune femme, belle et douce, à ses côtés et dans ses bras. Certains jeunes gens du village auraient bien aimé être à sa place. Mais Henri savait que, depuis longtemps, dans son esprit, se cachait une part d’ombre. Celle-ci posséda et rongea son âme jusqu’au moment où il a fallu prendre une décision, à ce moment, elle commença à se manifester et se montra convaincante. Il rêvait d’aventure, de pouvoir mettre les pieds sur les terres lointaines du continent africain ou des îles sauvages au milieu du Pacifique. Henri devint impatient devant l’appel du large.
A cause de l’amour qu’il avait pour Yvonne il n’hésita pas à lui dévoiler son aspiration. Elle lui dit qu’elle voulait l’accompagner mais Henri lui dit:
--- Mon avenir est encore dans un flou total je ne peux pas te garantir une vie paisible et agréable, loin de ta famille. Les dangers, et les galères seront quotidiens. Si tu étais à mes côtés, te voir vivre dans de telles conditions me donnerait beaucoup de soucis et je pourrais me décourager.
Puis il lui conseilla de ne pas l’attendre si quelqu’un qui lui demandait sa main. Mais il souhaitait qu’elle n’oublie pas qu’au bout du monde il y avait quelqu’un qui pensait toujours à elle et qui l’aimait.
Des larmes avaient coulé, toutes les séparations se ressemblent. A l’époque, Henri avait exactement vingt ans. Un beau matin plein de brouillard, alors que tout le village était encore plongé dans un sommeil profond, il se réveilla et partit. Il se dit qu’Yvonne allait certainement faire ce qu’il lui avait recommandé. Mais il y avait une chose dont il ne s’était jamais douté. Quelques mois plus tard, les Sœurs de Chartres accueillirent une toute jeune novice du nom de Béatrice. Depuis ce jour, personne n’a jamais su que, dans le cœur de cette petite nonne, apparaissait l’image d’un certain homme, chaque fois que les cloches de la nef du village sonnaient…
Le temps passa vite, Henri se sentit bien forgé et expérimenté. Au début il a été docker sur le port de Marseille, puis il était devenu marin sur un paquebot commercial. Sa vie était sur les vagues et appartenait aux océans. Il s’était marié à une femme arabe. Il apprit à écrire et à parler l’arabe. Mais la vie sur la Méditerranée lui sembla trop monotone, il en eut assez.
Henri dit alors adieu à cette femme aux cheveux noirs ondulés pour continuer son chemin qui semblait encore bien long. Cette fois les vagues des océans l’avaient emmené très, très loin, jusqu’aux archipels et aux presqu’îles de l’Extrême-Orient. Le paysage vaste et grandiose des montagnes et des forêts vierges des pays tropicaux avait capté son âme et il pensa qu’il était inutile d’aller plus loin. Des rangées de cocotiers se reflétaient dans l’eau, des arbres séculaires lançaient leurs racines aériennes tortueuses comme des serpents. Il avait l’impression que ce coin de la planète avait attendu longtemps son hôte, l’amoureux de la nature.
A cette époque (1904) l’Armée de la Force Expéditionnaire Française était déjà sur place depuis plus de vingt ans. Quand Henri est arrivé, les infrastructures administratives étaient déjà en fonction depuis longtemps. Evidemment l’Armée avait été suivie par des commerçants expérimentés et riches. Des paquebots commerciaux arrivaient dans les ports et repartaient, faisant la navette entre tous les continents. Des monuments beaux et spacieux remplacèrent au fur et à mesure les habitations rudimentaires des indigènes. Des zones urbaines apparurent et devinrent de plus en plus animées. L’atmosphère prospère avait attiré non seulement les indigènes des alentours qui s’y rassemblaient mais aussi des touristes venus des quatre coins du monde. Des entrepreneurs, des commerçants, des navigateurs, des architectes… se donnèrent la joie d’y faire fortune. Devant la tentation si forte de l’argent et de la prospérité si facilement acquise, Henri ne pouvait pas rester longtemps indifférent. Ses cheveux commençaient à blanchir, il se dit que c’était le moment d’arrêter toutes ses aventures. Il fallait qu’il construise un foyer et un toit. Tout à coup il pensa à Yvonne. Il l’imagina en ce moment, à côté de son mari et de ses enfants, devant un feu de cheminée. Il vit sa situation actuelle et brusquement l’image de la jeune fille de son village natal lui apparut pour la première fois à travers… un voile de larmes.
Durant ses aventures Henri avait appris beaucoup de choses qui n’existaient pas dans les livres. Etant un homme il avait dû toujours lutter pour franchir des obstacles ou pour affronter ses ennemis. Après tant d’années de galère, il sentit qu’il avait suffisamment d’expérience pour être capable de construire un foyer. Quand il avait accompagné des archéologues à travers le désert ou sur les montagnes, il avait eu l’occasion de contempler des monuments, des ruines historiques. Il y avait de superbes constructions, englouties dans la profondeur de la terre depuis des siècles. Plusieurs fois il était resté ébahi devant des objets anciens d’une grande valeur artistique et historique. Doté d’un œil expert et d’une grande vigilance d’esprit, il avait pu trouver des trésors éparpillés sur son chemin d’aventure. Quelques fois ces choses se trouvaient par hasard en plein air, des pierres précieuses parmi les cailloux. Entre ses mains elles étaient devenues de beaux bijoux.
Pendant toutes ses aventures Henri avait gardé le contact avec ses amis en France. Parmi ceux-ci certains étaient devenus riches ou propriétaires d’une bijouterie ou d’une boutique d’antiquités. Il leur avait envoyé des coffres de pierres précieuses qu’il avait mis beaucoup de temps à rassembler. Dans ces entreprises, des spécialistes avaient taillé ces pierres selon des modèles qu’il avait lui-même dessinés pendant ses nuits blanches. Un grand nombre de ses bijoux, d’un modèle rare voire unique, avaient attiré des milliardaires. Des comtesses, des baronnes, des princesses… venues des pays de l’Europe du Nord …accompagnaient souvent leur mari pendant de longs voyages vers l’Extrême-Orient. De bouches à oreilles elles se communiquaient les bonnes adresses. Il y avait eu suffisamment de ventes pour qu’Henri puisse vivre à l’aise pendant longtemps.
Le temps passa et les affaires d’Henri fonctionnèrent à merveille. Vers les années 1930, au milieu d’un boulevard d’une grande ville d’Extrême-Orient on découvrit une bijouterie qui venait d’être inaugurée. Avec les années, sa clientèle se multiplia grâce à sa bonne réputation. Après cette inauguration officielle son nom fut sur toutes les affiches et les journaux et cela attira encore plus des milliardaires. Les clients fidèles savaient depuis longtemps que ses produits étaient authentiques. Mais pour éviter la pression fiscale Henri disait souvent que ses produits étaient en toc ! Grâce à cette petite astuce sa boutique était toujours bondée. Beaucoup de femmes n’hésitaient pas devant un coup de foudre. Tout le monde était toujours satisfait de cette adresse:
Henri HUMBERT
Bijoux Fix
77B Boulevard Bonnard
Saigon - Indochine
Un homme, âgé d’une cinquantaine d’années, célibataire et propriétaire d’une bijouterie si importante, était une chose rare à l’époque. Il était devenu une cible pour celles qui voulaient choisir une âme sœur et en même temps un grain de sable aux yeux des confrères et concurrents.
Cet été fut accablant à Saigon. Une nuit, l’atmosphère suffocante annonça qu’une averse n’allait pas tarder. Des masses de nuages noirs et bas s’accumulèrent mais ne donnèrent aucune goutte. Il n’y avait aucun souffle de vent. C’était exténuant. D’habitude Henri dormait tôt. Mais cette nuit-là il se retourna sans arrêt dans son lit. Non seulement à cause de la chaleur mais il y avait dans l’air une odeur nauséabonde insupportable. Il chercha à trouver son origine. Un soupçon s’imposa dans sa tête. Il entrouvrit la porte pour regarder dehors… Mon Dieu ! Oh ! Mon Dieu ! Nước mắm ! Nước mắm ! Des flaques de cette sauce avaient été versées, accompagnées d’éclaboussures, partout devant le seuil de sa boutique. Depuis toujours il détestait cette odeur. Il claqua la porte. Les deux mains sur la tête il se précipita vers le lavabo pour vomir. C’était vraiment une sale blague. Que faire maintenant ? C’était inadmissible pour des clients qui allaient venir demain matin. Mais celui qui est chanceux a toujours de la chance. Le vent turbulent ne tarda pas à se soulever, le ciel gronda et une averse torrentielle s’abattit pendant plus d’une heure sur Saigon et ses alentours. Henri imagina que toutes les constructions légères pourraient s’écrouler et être emportées, mais, trop fatigué à cause de l’incident, il sombra dans un sommeil profond.
Quand l’argent entre à flot la question de construire un foyer est une chose normale pour un homme. La bijouterie d’Henri avait été rénovée et agrandie. Outre les pierres précieuses, des perles naturelles de toutes les couleurs, des diamants scintillants de toutes les tailles à côté d’objets anciens de Chine de l’époque de Càn Long et de Khang Hy… des comtoises, en bois précieux sculptées, étaient exposés dans les vitrines à glaces et sculptées.
Dalat était une petite ville dans une région montagneuse située au milieu d’une forêt vierge sur le haut plateau du Sud VietNam. Les premières constructions de style colonial avaient été réalisées par des français comme lieu touristique, résidence secondaire et maison de convalescence pour les fonctionnaires et les militaires. C’était aussi un domaine de chasse idéal. Henri y demeurait sur une colline avec une série de trois villas, dessinées par lui-même, dans le style alsacien de sa terre natale. Sa première femme, décédée, lui avait laissé cinq enfants qui étaient déjà adultes et mariés. Il planta autour de ses villas des glaïeuls de toutes les couleurs dont les tubercules avaient été importés de France. Sur les troncs et aux pieds des conifères il fit des greffes d’orchidées qu’il avait rapportées de la forêt. Devant le portail il y avait une allée bitumée portant le nom poétique de « Rue des Roses » qui serpentait autour des habitations. Des fleurs y éclosaient tout au long de l’année donnant un air très agréable.
Depuis qu’Henri avait choisi l’Indochine comme terre préférée, tout ce qu’il proposa se déroula comme prévu. Un seul petit inconvénient mais un peu préoccupant était la recette journalière qui n’était pas exactement celle qu’il avait calculée. Il y avait eu des vols. Plusieurs fois il avait changé de caissière mais personne ne lui avait inspiré confiance. Parmi les nouveaux recrutés il avait remarqué une jeune fille. Elle avait vingt cinq ans, mignonne et de petite taille. Son visage était ovale. Elle était très charmante, douce avec un nez moitié asiatique moitié européen. Ses yeux étaient brillants et son regard captivant. Elle semblait franche. Malgré son origine indigène son français était impeccable. Devant cette beauté aristocratique et ces yeux de biche son intuition l’avait aidé sans hésitation. Chose étrange ! Depuis que cette jeune fille s’était installée derrière la caisse Henri avait l’impression que sa boutique était devenue enfin parfaite. C’était comme s’il avait trouvé une orchidée qui allait bien avec le vase. Mais Henri était un homme méticuleux, un peu maniaque. Pour être bien tranquille il voulait tester sa nouvelle caissière. Il trouva une ruse.
Comme chaque soir, avant de fermer la boutique, il compta la recette en présence de la caissière avant son départ. La somme fut mise dans le coffre et enfermée à clé. Deux ou trois fois il fit semblant d’être ailleurs en laissant quelques billets « oubliés » dans le tiroir de la caisse. Mais chaque fois, le lendemain, il fut alerté immédiatement par la caissière de cette négligence néfaste. Il se sentit coupable devant cette attitude.
Le temps passait. Il y avait déjà trois ans que la caissière était à son poste. Cela semblait trois siècles à Henri. Il ne s’attendait pas à ce que son âme soit rongée par un amour secret. Dans la vie humaine l’amour est toujours doué d’une force invincible indépendamment de l’âge. Un jour, profitant le moment où il n’y avait personne d’autre, il prit le risque de faire le premier pas. Mais devant ses paroles du cœur la jeune fille garda le calme et le silence, seulement un petit embarras parut sur son visage. Elle continua son travail sans laisser à personne l’occasion de deviner ses sentiments. Le soir elle quitta son poste tranquillement comme d’habitude.
Le lendemain et les jours suivants ont été le temps le plus long de la vie d’Henri. Il constata que tout ce qu’il avait fait pendant des années jusque là était brusquement devenu sans valeur. Sous prétexte de l’inventaire annuel, il ferma sa boutique et resta seul dans sa chambre en s’arrachant les cheveux devant la lettre de démission de la jeune fille. Son écriture belle d’une allure décidée était la preuve d’un caractère inébranlable. Il se découragea. Chaque mot chaque phrase était comme la pointe d’un couteau qui tranchait ses entrailles. Il passa des nuits blanches et maigrit. Il se dit à quoi bon vivre dans cette situation ? Plus le temps passait plus la douleur était insupportable. Il alluma la lampe et écrivit une longue lettre sur laquelle il étala tous ses sentiments et son amour. Il la termina par une phrase douloureuse et désespérée :’J’attends jusqu’à…. heure, le…..Si vous ne revenez pas je me jetterai dans le vide pour mettre fin à ma vie’!
La jeune fille était de famille royale. Elle avait reçu deux éducations, deux cultures : asiatique et européenne. Son cœur et son âme étaient limpides et profonds comme l’océan. Cette lettre lui a été remise en main propre par un employé d’Henri. Elle était fripée entre ses mains après l’avoir lue et relue plusieurs fois. Elle se demanda si une jeune fille comme elle pouvait rester indifférente et laisser cet homme mourir.
Finalement elle avait pris une décision et une réponse positive.
On ne pouvait décrire la joie et le bonheur d’Henri, il était comme un malade réanimé et ressuscité. Depuis ce jour Tôn Nữ Thanh Xuân,, était devenue madame Henri Humbert. Elle était submergée de bonheur conjugal. L’amour de son mari était sans limite. Elle vivait dans l’abondance, dans le luxe, une vie dorée ornée d’or et de diamants.
En réalité l’amour de son mari était l’essentiel. Les bijoux, les chaussures, les vêtements… n’étaient que des accessoires. Plusieurs fois elle les avait donnés à sa petite sœur car l’amour qu’elle avait pour ses proches était aussi considérable. Henri comprenait ses sentiments c’est pourquoi il ne manifestait aucune réaction qui aurait risqué de frustrer sa femme. Sa belle sœur en avait profité. Chaque fois qu’elle venait voir sa grande sœur et son beau frère, elle trouvait dans la vitrine un certain anneau qui lui plaisait elle le prenait, Henri n’avait qu’à la regarder partir, drôle et capricieuse, en souriant.
Thanh Xuân s’occupait bien de son mari et de leur foyer. Deux années plus tard (1936-1937) elle donna au monde deux jolies filles, Laurence et Claudette Humbert. Henri fut comblé de joie et de bonheur. Il se sentait rajeunir. Le goût du commerce recommença à circuler dans ses veines. A l’occasion d’une exposition de perles à Hanoï, dans un enthousiasme extrême il avait acheté tous les modèles. Il dit à sa femme:
--- Ce trésor après ma mort pourra vous permettre de vivre sans rien faire pendant toute votre existence.
La ville de Dalat à l’époque était construite par des français coloniaux. Au début il n’y avait que quelques maisons résidentielles entourées par la forêt très dense. Les indigènes y étaient rarissimes. De temps en temps passaient quelques montagnards d’une minorité ethnique. Des français avaient besoin d’eux comme guides pour explorer les forêts et les collines aux alentours. Au fur et à mesure par consentement ceux-ci devenaient leurs domestiques.
Au début de la construction de ses trois villas, Henri était passionné par le projet. De la fondation, du remblayage sur le flanc de la colline, à la mise en place des murs… toutes ces œuvres avaient été immortalisées dans son appareil photographique. La plupart des ouvriers étaient des montagnards. Parmi ceux-ci un beau garçon qui s’appelait Sáu (sixième) était son préféré. Celui-ci était très honnête, consciencieux et méticuleux. Quand les constructions ont été terminées il l’avait gardé chez lui. A partir de ce jour Sáu devint son guide et son interprète chaque fois qu’il voulu aller explorer telle ou telle région jusqu’aux tribus des montagnards. Ils devinrent deux compagnons et complices. Au début il fallait avoir recours aux éléphants ou aller à cheval. Plus tard quand les routes ont été construites ils allèrent en voiture. Sáu aussi était comblé de joie. A l’occasion de son mariage Henri lui avait offert une petite montre en pendentif. Il ne savait ni lire ni écrire il ne pouvait donc pas l’utiliser. Henri lui a dit que lorsque les deux aiguilles se superposaient c’était soit midi soit minuit. Cela le rendit joyeux comme par une révélation. Il en parla à sa femme et à sa famille. Depuis ce jour eut une relation sentimentale entre Henri et ces tribus. Parfois Sáu le conduisit profondément dans la forêt, dans d’autres tribus. A ces occasions Henri emportait son appareil photo pour immortaliser les activités des minorités ethniques et aussi de belles jeunes filles et des superbes jeunes femmes. Rentré à la maison il s’enfermait dans la chambre noire pour travailler sur ses œuvres photographiques. Les seins nus, libres au vent, étaient comme des œuvres d’art de la nature. Il les montrait à sa femme mais Thanh Xuân, furieuse, ne voulait plus le voir durant une semaine. Dans ces mauvais jours Henri sortait se balader dans la ville jusqu’au soir. Rentré à la maison il demandait si Thanh Xuân n’était plus fâchée. Devant l’attitude si calme et élégante de son mari elle était toute contente, voulait oublier cet incident et faisait la paix.
Henri avait une vie saine. Il ne buvait pas et ne fumait pas. Il veillait à ce que toute la famille ait une alimentation équilibrée. Il regardait dans l’avenir et se sentait comblé de bonheur et de raison d’être. Non seulement il adorait sa femme et ses enfants mais il aimait aussi ses domestiques. Il pensait qu’eux aussi devaient avoir ce qu’il avait. C’est pourquoi la femme de ménage, la cuisinière, le jardinier… avaient toujours des tenues vestimentaires impeccables, avec quelques bijoux assortis, quand ils voulaient sortir ou aller voir leurs proches. Particulièrement Sáu qui ne voulait jamais quitter sa montre en pendentif ni le chapeau en flanelle ; bizarrement il ne portait qu’un cache-sexe et était souvent pieds nus. Il était drôle, hors norme et toujours souriant.
Les trois villas se trouvaient l’une à côté de l’autre. Ses enfants, y compris ceux qu’il avait eus avec sa première femme, y habitaient ensemble dans une ambiance chaleureuse et harmonieuse. La belle vie continuait ainsi pendant une dizaine d’années.
Mais l’homme propose, Dieu dispose ! La deuxième guerre mondiale (1940-1946) éclata fatalement sur tous les continents. La presqu’île indochinoise tomba dans la même situation. Cette terre fertile, en forme de S italique, fut la cible pour que la France, les Etats-Unis, la Chine et le Japon s’engagent dans des combats atroces sans merci et sans fin. Profitant du chaos et du vide politique en ce moment dans le pays, les Việt Minh (les Communistes sous la direction de Hồ Chí Minh) s’emparèrent du pouvoir et déclarèrent l’Indépendance du Viet Nam. Le peuple vietnamien ignorait alors totalement la sournoise intention de Hồ qui voulait éliminer tous les autres partis nationaux pour imposer ultérieurement le totalitarisme à son peuple. C’est pourquoi toutes les classes sociales sans hésitation étaient heureuses, accueillantes et faisaient confiance aux Việt Minh. La guerre entre les puissances mondiales et la déchirure entre les partis politiques qui se déroulèrent pendant plusieurs années du Nord au Sud avaient créé un état chaotique dans tout le pays. C’était une bonne opportunité pour les voleurs et les pilleurs. Des représailles aussi se réalisèrent partout. Tous les français qui étaient sur place devinrent leurs cibles préférées du jour au lendemain. Henri également en fut victime, tout son trésor fut saisi, anéanti.
Un matin, pour éviter d’être impliquée et arrêtée dans des conflits militaires franco-vietnamiens ou franco-japonais (fascisme) toute la famille était montée dans le grenier pour s’y cacher. Henri estima que ça n’allait pas durer longtemps. Mais un chef militaire Việt Minh trouva que cette villa sur la colline pourrait être utilisée comme un point stratégique, il ordonna ses hommes de s’y poster. Un soldat bộ đội tenant son fusil se posta sur le seuil de la porte. Toute la famille retint son souffle. Le soir, Claudette la deuxième fille d’Henri, eut la vessie pleine. Elle se soulagea contre le mur. Il faisait beau ce jour-là. Le soldat bộ đội reçut tout à coup quelques gouttes sur son col de chemise. Etonné, il toucha à son cou et par réflexe renifla ses doigts… Alors, le bizarre s’expliqua ! Il regarda vers le haut et découvrit la réalité. Devant son canon pointé toute la famille dut descendre. Le soldat se demanda s’il y avait des armes cachées là-haut ? Il y remonta pour faire une fouille et ne trouva rien. Il isola les membres de la famille pour les questionner un à un. La petite Claudette a eu peur, elle éclata en sanglot en disant qu’il n’y avait rien là-haut. Cela avait donné confiance au soldat. Toute la famille fut poussée dans un camion bâché et fut emmenée avec d’autres français dans un dépôt de riz qui était utilisé avant comme un lieu de détention de prisonniers politiques. On devait dormir sur des sacs de riz. Thanh Xuân était la seule femme indigène, on lui avait confié le travail de faire bouillir le riz pour tout le groupe. Il y avait une trentaine de personnes. La marmite en bronze était grande et lourde. Mais Thanh Xuân était experte en la matière. Deux fois par jour elle faisait son travail d’une façon impeccable. En seulement pendant une demi-heure, le riz était bien cuit, ça sentait bon avec des gratins qui étaient croquants et appétissants. Grâce à elle, dans cette situation difficile, tout le monde avait eu sa part sans problème. Ainsi son nom était dit et répété à chaque moment, cela avait créé une certaine jalousie chez les autres femmes. Celles-ci trouvèrent que Thanh Xuân ne faisait rien de plus en dehors de cette besogne alors qu’elles devaient préparer des poissons, de la viande, des légumes… pendant de longues heures. Elles proposèrent donc de se relayer dans le travail. Mais depuis ce jour, le riz fut mal cuit, devint chaque fois cramé et immangeable. Finalement elles durent laisser ce travail délicat à Thanh Xuân.
Henri était asthmatique et n’avait jamais vécu dans des conditions pareilles, la promiscuité poussiéreuse lui avait donné des crises importantes. Ses enfants aussi étaient tombées malades. Comme il manquait de médicaments Thanh Xuân a dû les soigner par la médecine traditionnelle vietnamienne avec des plantes. Un jour Laurence sa première fille eut une forte fièvre, elle délira, ferma ses yeux et cria :
--- Mon Dieu ! Du sang ! Du sang !
Thanh Xuân la porta dans ses bras en regardant dehors, juste au moment où un soldat bộ đội entrait et posait une civière entachée de sang contre la porte. Elle insista pour qu’il la pose ailleurs pour éviter les cris de la petite.
La situation de la deuxième guerre mondiale en Indochine changea rapidement. Très peu de gens la comprenait. A deux heures du matin quand tout le monde dormait profondément on fut réveillé brusquement et tassé dans des camions bâchés. Il faisait tout noir. Le convoi se déplaça pendant deux heures, tantôt en contournant les collines tantôt en descendant dans les vallées. Il s’arrêta vers l’aurore. Quand les bâches furent relevées tout le monde se trouva devant le grand hôtel Langbian Palace au centre ville de Dalat. On se demanda pourquoi on avait dû faire un si long trajet alors que du dépôt de riz à l’hôtel le trajet ne demandait que quinze minutes ! Tous les français furent regroupés dans cet hôtel qui cette fois était encerclé par des soldats japonais en faction avec leur fusil. Un trait blanc marquait une frontière avec une pancarte disant que tout ceux qui dépasseraient cette limite et tout ceux qui pénètreraient dans l’hôtel sans permission seraient abattus immédiatement !
A vivre dans cette atmosphère tendue et dans l’angoisse, les crises d’asthme d’Henri devinrent persistantes. Il sentait que sa vie et celle de sa famille étaient menacées. Une idée se fit comme une étincelle dans sa tête : Il fallait quitter ce lieu pendant un certain temps avant de planifier quoi que ce soit car cette vie était pire que dans le milieu carcéral.
La Révolution Générale des indigènes sous les instructions des Việt Minh éclata le 19-8-1945. Le pouvoir territorial du Nord au Sud est tombé entre les mains des ‘libérateurs’. La plupart des membres du gouvernement provisoire étaient des Communistes. Cela avait causé le mécontentement des Alliés. Sachant qu’à ce moment-là les infrastructures socio-politiques des Communistes étaient nulles dans le Sud, les Alliés avaient donné le feu vert à la France pour revenir en Indochine. Le 5-10-1945 sous le commandement du général Leclerc, la Force Expéditionnaire Française avança et prit facilement Saigon et Chợlớn. Avec l’aide en munitions de l’Angleterre les Français prirent facilement la Cochinchine toute entière y compris le Laos et le Cambodge.
Un beau matin en se réveillant Henri et tous les autres avaient entendu La Marseillaise résonner en fanfare dans toute la ville de Dalat. Tout le monde se précipita dehors pour regarder. Les soldats bộ đội, les ‘libérateurs’ et les japonais avaient disparu. Tout le monde était heureux de revenir chez soi. Mais Henri voulut réaliser le plan qu’il avait dans la tête depuis quelques jours.
Rentré à la maison, Henri prépara ses bagages pour emmener toute la famille dans la forêt. Il avait rencontré un montagnard qui était son ancien domestique. Muni d’un triporteur à cheval celui-ci amena toute la famille d’Henri dans une tribu appelée Suối Tía (source violette). Au milieu de la nature immense, entrecoupée de montagnes, de vallées, les deux enfants se montraient heureuses parmi des myriades de papillons multicolores et des fleurs. Seul, Henri était jour et nuit rongé par la tristesse et les soucis. Il ne s’attendait pas à ce qu’à l’automne de sa vie Dieu lui réserve ce destin. Il était indépendant, ne faisait mal à personne, avait construit son foyer avec sa sueur, son cerveau, son travail et sa persévérance. Maintenant il avait à nouveau les mains vides et se sentait incapable de garantir un avenir à ses enfants. Ses crises d’asthme à répétition lui faisaient mal. Il tomba malade. Des parasites tropicaux commencèrent à détruire son organisme. Son foie devint volumineux accompagné de poussées fébriles. Thanh Xuân trouva que son état de santé était préoccupant. Elle dut le ramener au centre ville et chercha un médecin. A l’hôpital on découvrit qu’Henri avait un gros abcès du foie d’origine amibienne. C’était le stade terminal de l’amibiase dont le pourcentage de survie est très bas. Suivant le conseil du médecin Thanh Xuân ramena son mari à la maison pour qu’il termine sa vie dans le confort familial. Henri devina qu’il allait mourir il demanda à sa femme de l’amener chez la fille aînée de son ex-femme pour éviter aux enfants les images douloureuses de ses derniers instants.
Dans la pénombre de la chambre du premier étage Henri s’allongeait sur un rocking-chair et regardait à travers la fenêtre. Il insistait pour que sa femme le mette toujours dans cette direction. Ainsi, quand il faisait beau il pouvait voir ses trois villas en contraste avec la verdure sur la colline d’en face. C’était tout ce qui lui restait. En regardant ce paysage il n’arrêtait pas de soupirer. Laurence et Claudette étaient à ses côtés. Il caressait leurs cheveux et ne pouvait pas empêcher ses larmes couler sur ses joues creuses. Un jour il eut une forte poussée fébrile et il délira en grognant entre ses dents dans un langage incompréhensible. Le médecin fut étonné qu’il parle arabe ! A son réveil il ne se souvint de rien.
Claudette était en permanence à côté de son père pour s’occuper des médicaments, minutieusement aux compte-gouttes. Elle se rappela autrefois quand elle était toute petite et qu’elle était tombée malade elle avait eu peur de prendre des médicaments. Son père lui avait donné un petit verre ; chaque fois que le médicament était versé dedans il y avait une fée qui apparaissait et dansait. Si elle voulait voir la fée qui danse elle devait prendre son médicament. Plus elle se rappelait ces souvenirs plus elle aimait son père. Elle se tenait tranquillement à côté de lui, attendant qu’il soit à l’heure de lui donner des gouttes qu’elle laissait tomber dans un verre. Mais le petit verre d’autrefois avait été saisi en même temps que tous les autres objets précieux. Autrefois Claudette n’avait pas envie de sortir pour jouer avec les autres enfants, car elle aimait rester près de son père et contempler des figurines et des animaux en cristal. Maintenant le regarder, dans cet état, la faisait pleurer.
L’hôpital de Dalat avait été construit par des français depuis des années. Grâce au climat tempéré il était devenu aussi le lieu de convalescence pour les malades venant des alentours. Pendant la guerre le nombre des blessés civils et militaires augmentait de jour en jour. Les médecins et les infirmiers étaient débordés. La Croix Rouge Française avait dû renforcer les effectifs et y envoyer un certain nombre de jeunes religieuses afin qu’elles les secondent dans les services de soins et administratifs et qu’elles soutiennent le moral des malades et des blessés. Des jeunes sœurs douces et aimables s’étaient occupées des services de l’hôpital jours et nuits. Ainsi la douleur morale et physique des gens était soulagée. Soeur Béatrice, particulièrement, se montra très efficace dans le domaine psycho sentimental. Chaque soir elle aidait l’infirmière à veiller sur le nombre d’entrée et de sortie rédigée dans un grand cahier. On y trouvait tous les détails concernant l’identité et l’adresse des gens hospitalisés. En plus elle distribuait des médicaments aux blessés et aux malades suivant les instructions marquées dans chaque dossier individuel. En feuilletant les registres elle est tombée sur une ligne où était écrit Henri Humbert… Elle fut éberluée et embarrassée. Elle se dit que cela devrait être une coïncidence que l’on rencontre souvent dans la vie. Mais le hasard ne lui permettait pas d’être indifférente. En fouillant encore par curiosité dans le cahier des sorties de la semaine elle trouva tous les détails, clairs et nets, et elle nota son domicile exact.
Sœur Béatrice ne pouvait pas cacher sa joie après cette découverte due au hasard. Elle n’hésita pas à en parler à la Mère Directrice. Celle-ci lui avait donné son accord pour qu’elle aille voir son ancien ami d’enfance. Accompagnée par sœur Thérèse, elle alla chercher cette adresse. Après quelques mots pour se présenter et pour donner le but de cette visite elles ont été guidées vers une chambre assez sombre. Elles ne virent que la silhouette d’un vieillard maigre et faible assis, tournant le dos à la porte. Le profil de l’homme se dessinait vaguement à contre-jour grâce à une lumière faible qui pénétrait par la fenêtre. Sœur Béatrice s’approcha dans l’intention de lui parler mais elle dut s’arrêter net car, tout à coup, il fut pris d’une quinte de toux difficile causée par l’abcès du foie qui comprimait sa cage thoracique. La douleur le fit transpirer énormément. Elle attendit que tout rentre dans l’ordre pour le regarder de très près. C’était vraiment son Henri Humbert d’autrefois mais pourquoi était-il dans cette situation. Elle avait l’habitude de soutenir de graves malades, à l’hôpital, mais aujourd’hui devant Henri, malade depuis longtemps et en phase terminale elle se sentit embarrassée et désarmée.
La Mère Directrice eut de la compassion pour sœur Béatrice devant son embarras et devant la douleur physique et morale d’Henri. Elle ordonna que les sœurs se relayent tous les jours deux par deux pour rester à son chevet afin de prier. Sœur Béatrice demanda à la Mère Directrice la faveur de rester toute seule dans la chapelle pendant quarante-huit heures pour implorer Dieu de la laisser porter toute seule toute la douleur physique de Henri pour qu’il soit soulagé et serein dans ses dernières minutes. Elle resta à jeun pour prier devant l’autel de façon continue pendant deux jours et deux nuits. Le lendemain matin elle reçut l’ordre de partir en mission. La jeep qui la transporta eut un accident à mi-chemin et se renversa dans un ravin. Elle fut transportée provisoirement à l’hôpital en attendant d’être transférée en France car les dommages corporels étaient trop graves. Le conducteur fut légèrement blessé. Mais sur le corps de sœur Béatrice on dénombra au total sept fractures y compris des membres et des côtes.
Dans ses derniers jours Henri se sentit très fatigué bien que toute la douleur physique soit partie. Dans sa jeunesse il n’avait jamais cru en Dieu. Mais ce jour-là il insista pour que Thanh Xuân invite le père Perrin afin qu’il vienne le baptiser lui et ses deux filles. Quand la messe fut finie il se sentit soulagé et tomba dans le sommeil. Avant de dormir il dit à sa femme que s’il ne se réveillait pas avant quatre heures du soir, elle le laisse continuer à dormir.
Ce soir-là était nuageux gris et venteux. Henri dormait profondément. On ne le voyait jamais si calme et tranquille. Vers le soir il se réveilla. Il demanda à ses deux filles de s’approcher, il serra pendant longtemps leurs mains et deux filets de larmes coulèrent et imprégnèrent ses joues creuses. Par intuition Thanh Xuân comprit que le moment de leur destin ne tarderait pas à sonner. Elle se précipita à ranger toutes ses affaires et se mit à côté de lui. Deux sœurs continuèrent à prier à son chevet. Il faisait tout noir dehors. Le vent sifflait à travers les fentes de la véranda. Il semble qu’il y eut le bruit de quelqu’un qui frappe à la porte. Tout le monde même le curé en fut conscient et l’a entendu. On se demanda qui était le visiteur à cette heure ? Thanh Xuân hésita mais Henri lui dit :
--- Chérie ! Ouvre-lui la porte ! (*)
--- Qui est-ce ?
Dans le soupçon elle obéit à son mari. La porte s’ouvrit lorsqu’Henri rendit son dernier soupir.
Henri est mort au moment où sa famille était tombée dans la précarité. Thanh Xuân fut obligée de s’appuyer sur l’aide et la générosité du père Perrin et de son église. C’est le frère Marcellien qui s’occupa des habits et du cercueil du défunt. Il a trouvé un complet noir convenable avec une paire de pantoufles et un chapeau en flanelle assortis. Henri fut inhumé sur le terrain appartenant à l’église au flanc d’une colline. Le cortège était composé de sa femme, ses deux enfants et quelques amis. La présence du père Perrin, des frères et des sœurs a été un soutien et une consolation considérable pour Thanh Xuân et ses enfants. Sur le monticule de terre, son modeste tombeau, un piquet fut enfoncé dans la terre avec une petite pancarte sur laquelle furent rédigés à la hâte le nom du défunt et la date de son décès. Après l’enterrement, Thanh Xuân erra en tenant les mains de ses deux filles. Par moment elle se retournait pour regarder le tombeau qui était immergé au fur et à mesure parmi tant d’autres. Des croix de bois alignées, abîmées et inclinées, disparaissaient progressivement derrière les buissons de la colline. Elle lâcha un soupir en hâtant le pas.
Un beau jour Thanh Xuân flannait, toute seule sur le flanc de la colline déserte, cherchait le tombeau d’Henri, dans l’intention de faire installer pour lui une petite stèle convenable. Elle fut surprise que tous les tombeaux en soient déjà munis. Elle tourna en rond un long moment et tout à coup, à sa stupéfaction, une stèle avec ces lettres bien sculptées :
Henri Humbert, 1883-1946,
apparut devant ses yeux.
Thanh Xuân resta silencieuse un long moment devant le tombeau, ses joues pleines de larmes. Elle pensa à la disposition que Dieu leur a réservée. Elle lui manifesta un geste d’affection et d’adieu, baissa la tête et repartit.
Depuis le jour de son baptême Henri était d’accord pour que ses filles soient internées et confiées à la charge spirituelle des sœurs.
Ses deux filles paraissaient heureuses à côté des sœurs. Chaque week-end les deux enfants avaient la permission de rentrer voir leur mère. Un jour, sœur Thérèse vint voir Thanh Xuân et lui apporta un télégramme envoyé de France : ‘Sœur Béatrice est décédée le…’. Elles se regardèrent, larmes aux yeux. Elles firent un petit calcul mental et trouvèrent qu’il y avait exactement sept mois depuis le jour de l’accident de sœur Béatrice jusqu’à maintenant.
Epilogue
Après la chute de Saigon et du sud Viet Nam (30-4-1975- occupé par le régime communiste de Hanoï) Thanh Xuân continua à habiter la villa à Dalat laissée par Henri. Elle jura de ne jamais la quitter et y décéda presque seule (1982). Il n’y avait plus que son neveu. Celui-ci s’occupa de l’enterrement.
(*) Un des gendres d’Henri, le mari de sa fille aînée (de sa première femme), est aussi décédé dans cette chambre.